L’épistémologie d'Olivier Costa de Beauregard

par HERVÉ BARREAU
Directeur honoraire de Recherche au CNRS
Membre de l'Académie internationale de Philosophie des Sciences (AIPS)
Membre associé des Archives Henri-Poincaré à l’Université de Lorraine

L’épistémologie d’Olivier Costa de Beauregard est remarquablement cohérente à travers les différentes étapes des publications qui en relèvent. En 1963, paraît la thèse de Doctorat d’Etat en philosophie : La notion de temps, équivalence avec l’espace (Paris, Hermann). La même année paraît, aux Editions du seuil, Le Second Principe de la Science du Temps, qui constituait la « thèse complémentaire ».

Quand le premier de ces ouvrages est réédité (en 1983, chez Vrin), l’auteur ajoute principalement un chapitre (VI) sur le paradoxe E.P.R., sur lequel se position n’a jamais changé, mais dont il a fait un commentaire de plus en plus explicite à mesure que l’occasion s’en présentait, en particulier après les expériences d’Aspect (1981,1982). Les deux autres suppléments ont trait à la mécanique quantique (formalisme de Dirac) et à son aspect relativiste, qui oblige à penser que la transition quantique se situe « hors espace-temps », ce qui corrige un peu la conclusion de l’ouvrage. Lire la suite


- OCB Le principe de relativité et l’équivalence de la physique entre espace et temps - « Le temps et la pensée physique contemporaine » sous la direction de J.L. Rigal, Paris, Dunod, 1968, pp. 97-110
- OCB Le second principe de la science du temps - « Le temps et la pensée physique contemporaine » sous la direction de J.L. Rigal, Paris, Dunod, 1968, pp. 115-128
- OCB Time in relativity theory : arguments for a philosophy of being – in « The voices of time », ed. J.T. Fraser ; New York, G. Braziller, 1966 et rééd. 1981, , pp. 417-433
- OCB No paradox in the theory of time anisotropy - « The study of time », ed. Par J.T. Fraser, F.C. Haber et G.H. Müller, proc. of the 1st conference of the International society for the study of time, à Oberwolfach (RFA), aug.-sept. 1969 ; New York, Berlin, Springer Verlag, 1972, pp. 131-139
- OCB  The third storm of the twentieth century : the Einstein paradox – in « The study of time III » ed. by J.T. Fraser, N. Lawrence, et D. Park, proc. of the 3rd conference of the International society for the study of time, à Alpbach (Autriche), 1-10 juillet 1976 ; New York, Berlin, Springer-Verlag, 1978, pp. 53-73
- OCB  Einstein-Podolsky-Rosen correlations : their Lorentz- and CPT invariance - « 7th international congress of logic, methodology and philosophy of science »,  Salzbourg, 11-16 juillet 1983. ”Sonderdruck aus Foundations of physics, a selection of papers contributed to the physics section”, ed. by P. Weingartner and G. Dorn, Vienne, 1986, pp. 165-189

- Barreau, H., La flèche du temps, la cosmologie et la finalité, Annales de la Fondation Louis de Broglie, 28, 3-4, 301

 

(suite) L’auteur reprend ensuite l’ensemble de ses deux thèses dans Time, The Physical Magnitude (D.Reidel, 1987) qu’on peut considérer comme la synthèse de toutes ses réflexions sur le temps, et, par le fait même, sur la manière dont la physique appréhende la dimension temporelle des phénomènes, qui a besoin de l’espace-temps macroscopique, mis en évidence par Einstein et Minkowski, mais qui ne peut dissimuler un arrière-fonds microscopique, où l’information considérée comme pouvoir d’organisation joue un rôle essentiel et qui est de nature psychique. C’est par cet appel au pouvoir organisateur du psychisme, non moins étendu sur (ou plutôt « sous » comme « l’avers ») tout l’espace-temps que l’est la matière (qui en constitue « l’envers » ou « le voile »), que l’épistémologie d’OCB se lie à une philosophie de la nature, qui n’est pas découverte progressivement, mais présentée d’emblée dans Le Second Principe de la Science du Temps .

Selon les occasions, il arrive à OCB de privilégier soit l’aspect épistémologique de sa pensée, soucieuse d’apporter un commentaire qui soit exactement taillé sur le formalisme de la Relativité et des Quanta, soit son aspect philosophique, qui recueille les indices frappants des « pouvoirs de l’esprit » jusque dans les domaines que la science ne maîtrise que par son formalisme.

L’originalité d’OCB est de montrer que ces deux aspects de sa pensée ne s’opposent pas mais se complètent. Ceux qui n’aperçoivent pas ce caractère biface de sa pensée, qui ne laisse s’introduire aucune contradiction entre ses deux aspects, sont tentés de rejeter les réflexions de l’auteur, soit en raison d’un « scientisme » supposé, soit en raison d’un « spiritualisme » avoué. On méconnaît ainsi le propre d’une pensée, qui a su se tenir toujours au courant des avancées de la science, sans jamais éprouver qu’elle était mise en cause par ces avancées, puisqu’elle pouvait considérer qu’elle les avait, d’une certaine façon, devancées.

Une grande culture en histoire des sciences facilitait certainement, chez OCB, cette familiarité avec le nouveau, qui n’était jamais portée à mésestimer l’ancien, à l’inverse d’une tendance fréquente chez les épistémologues. Certes OCB s’attachait aux nouveaux « paradigmes », dont il saisissait la puissance, mais il ne dédaignait pas d’en saisir la préfiguration chez les anciens auteurs. Pour lui, l’aventure de la science était toujours recommencée, mais on n’abordait bien le nouveau qu’après avoir ausculté l’ancien et retenu les leçons qu’il recelait encore.

Quand on envisage la pensée d’OCB sous l’ angle épistémologique, on ne doit jamais oublier que c’est la science la plus dure qu’il privilégie, dans son expression formelle et mathématique, quitte à chercher au-delà de la science la possibilité de comprendre un formalisme dont l’épistémologue doit d’abord respecter la lettre même.